La surprenante origine du judo : comment l’art martial de Jigoro Kano a révolutionné la philosophie et l’éducation sportive mondiale

Les secrets des racines du judo : une histoire d’art martial et de philosophie #

L’héritage du ju-jutsu et la transformation par Jigoro Kano #

Le ju-jutsu, reconnu comme un ensemble ancestral de techniques de combat à mains nues et avec armes, remonte à l’ère Edo (1603–1868), une période où la société japonaise codifiait et perfectionnait l’art de se défendre. Parmi les écoles emblématiques, le Tenshin Shinyo Ryu et le Kito Ryu s’imposaient au sein des dojos japonais, marquant l’élite des samouraïs.
Lorsque Jigoro Kano (né à Mikage en 1860) découvre ces traditions sous la houlette de Hachinosuke Fukuda, lui-même issu du Tenshin Shinyo Ryu, il perçoit le manque de pédagogie adapté aux enjeux de la modernité. À la mort de son maître, il s’initie au Kito Ryu, y entreprend une recherche méthodique et, insatisfait par la rigidité et la brutalité de certaines méthodes, commence à répertorier, analyser et supprimer les techniques les plus destructrices.

  • 1882: Création du Kodokan à Tokyo par Jigoro Kano, à seulement 22 ans.
  • Refonte des programmes techniques : élimination des gestes mortels, priorité à l’entraînement éducatif et physique.
  • Adoption de la notion d’utilisation efficace de l’énergie (Seiryoku Zenyo) et de recherche de la prospérité mutuelle (Jita Kyoei). Deux principes fondateurs inédits dans l’histoire des arts martiaux japonais.
  • Intégration du travail sur le Kumi kata et des concepts empruntés au Sumo.

Ce processus transforme le ju-jutsu guerrier, alors en perte de vitesse au Japon, en une discipline structurée, sécurisée et accessible à tous, en phase avec la politique de modernisation de l’ère Meiji.

L’inspiration philosophique : la voie de la souplesse #

La naissance du judo ne saurait s’expliquer sans l’influence de récits et de concepts philosophiques propres à l’âme japonaise. L’observation des branches de cerisier et de roseaux sous la neige — véritable fable populaire — marque durablement l’esprit de Jigoro Kano. Alors que les branches rigides se brisent sous le poids, les plus souples plient et reprennent leur forme.

À lire Ce que les experts ne vous disent pas sur le choix entre karaté et judo pour transformer votre mental et votre corps

  • Concept-clé : “ju” — signifiant “souplesse, adaptabilité”.
  • Adoption de la formule “le souple peut vaincre le fort”.
  • Mise en place d’une transmission des valeurs : entraide, respect, dépassement de la simple violence physique.

Nous notons souvent que la légende du « moine et du cerisier » irrigue l’identité du judo bien au-delà du Japon, car elle porte en elle un message d’adaptation et d’élégance que le monde sportif a rarement su proposer auparavant. Ce principe deviendra la pierre angulaire de la pédagogie Kanoïste et servira à promouvoir le judo comme outil de formation morale et sociale.

Fondation du Kodokan et premières innovations pédagogiques #

La fondation du Kodokan en 1882, dans le quartier d’Eisho-ji à Tokyo, marque la naissance officielle du judo comme discipline indépendante. Au départ, ce dojo ne compte que 12 tatamis et trois élèves. Mais l’ambition de Jigoro Kano ne se limite pas à l’enseignement technique. Il introduit plusieurs innovations révolutionnaires :

  • Mise en place du keikogi blanc : précurseur du kimono moderne, symbole d’égalité et de pureté dans l’apprentissage.
  • Création du système de grades à ceintures : blanche pour les débutants, noire pour les initiés, puis introduction progressive de ceintures de couleurs vers 1906. Ce système motive et structure les progrès.
  • Une pédagogie par étapes, articulant théorie (kata) et pratique (randori).

Le Kodokan devient rapidement le centre névralgique du renouvellement martial à Tokyo, formant des générations de judokas amenés à propager les techniques et les valeurs du judo. Ce modèle éducatif inspire de nombreuses disciplines par son efficacité et sa capacité à faire émerger l’excellence individuelle dans un cadre collectif structuré.

Du défi aux écoles rivales à la reconnaissance nationale et internationale #

La période qui suit la création du Kodokan est caractérisée par une série de défis lancés aux écoles de ju-jutsu rivales. Entre 1884 et 1886, à l’occasion des tournois organisés pour la police de Tokyo, les élèves du Kodokan remportent de nettes victoires, démontrant la supériorité des méthodes de Jigoro Kano face aux anciens systèmes, jugés trop brutaux ou théâtraux.

À lire La méthode secrète du judo pour forger un code moral infaillible et transformer votre vie dès aujourd’hui

  • Victoire du Kodokan lors du tournoi de police de Tokyo en 1886, assoyant la légitimité du judo sur la scène nationale.
  • Institutionnalisation du judo dans les académies de police, puis dans l’armée japonaise.
  • Déploiement d’une stratégie proactive : multiplication des démonstrations publiques, publication d’ouvrages techniques, implication du Kodokan dans la politique sportive nationale.

Nous observons que le début du XXe siècle consacre l’intégration du judo au sein des programmes scolaires (notamment dès 1911). Ce processus d’institutionnalisation, appuyé par la reconnaissance officielle des victoires du Kodokan, prépare le terrain à la conquête du monde et à la création de fédérations structurées.

L’empreinte durable de Jigoro Kano : visionnaire éducatif et ambassadeur global #

La personnalité de Jigoro Kano, professeur et intellectuel, laisse une empreinte indélébile sur l’histoire du sport japonais et international. Il se positionne comme un promoteur de l’éducation physique et morale, défend ardemment l’éveil citoyen de la jeunesse et l’ouverture vers la modernité. Sa stratégie dépasse les frontières du Japon :

  • Invité à l’exposition universelle de Paris en 1900 et aux jeux mondiaux, Kano s’impose comme ambassadeur de la culture japonaise réformée.
  • Membre du Comité International Olympique dès 1909, Kano milite sans relâche pour l’intégration du judo aux programmes sportifs mondiaux.
  • Création de la Fédération Internationale de Judo (FIJ/IJF) en 1951, aboutissement d’une volonté séculaire d’universalisation et de codification.
  • Recours régulier à l’analyse comparative des pédagogies occidentales dans la formation des judokas japonais.

Avec l’ouverture de centres de formation dédiés en Europe, puis aux États-Unis et en URSS, le judo devient, sous la férule du Kodokan puis de la FIJ, un vecteur d’échanges internationaux et d’apprentissage interculturel.

Transmission, adaptation et expansion : le judo à l’aube du XXe siècle #

Dès le début du XXe siècle, la migration des maîtres issus du Kodokan, tels Gunji Koizumi ou Mikinosuke Kawaishi, donne lieu à une internationalisation fulgurante du judo. Outre la fondation de dojos en France, Grande-Bretagne ou États-Unis, ces maîtres adaptent les pédagogies selon les attentes et traditions locales :

À lire La technique secrète de contrôle au sol en judo révélée par les experts pour dominer chaque combat

  • Mikinosuke Kawaishi introduit le système français de ceintures de couleurs à Paris dès 1946, favorisant l’accès à la pratique enfantine et féminine.
  • Gunji Koizumi fonde le Budokwai à Londres en 1918, première grande structure d’enseignement en Europe occidentale.
  • Organisation des premiers championnats internationaux de judo, préparation de l’arrivée de la discipline aux Jeux Olympiques de Tokyo en 1964.

Ces démarches entraînent une structuration rapide du mouvement judo, la création de nouvelles fédérations nationales, ainsi qu’une démocratisation qui demeure fidèle à l’idéal initial de Jigoro Kano : « la meilleure utilisation possible de l’énergie physique et mentale pour l’amélioration personnelle et la contribution à la société ». Le judo moderne, solidement ancré dans tous les continents, conjugue performances sportives, transmission culturelle et citoyenneté au quotidien.

Bolbec Judo Club est édité de façon indépendante. Soutenez la rédaction en nous ajoutant dans vos favoris sur Google Actualités :